Mon hashtag à moi est #MeTooIStandUp

ON NE PEUT PAS AIDER A LIBÉRER LA PAROLE SANS DIRE AVANT TOUT « SE RELEVER, C’EST POSSIBLE »

Mon hashtag à moi est : #MeTooIGetUpIStandUp

A l’ère de tous ces hashtags qui prennent ou revendiquent le rôle de changer nos sociétés, je pense que beaucoup de gens continuent de s’en sortir loin de la vie virtuelle. Ces personnes ne sont donc pas à deux ou trois clics de nous mais plutôt à quelques pas. On donne le pouvoir aux clics et on ignore de quoi nos pas sont capables… Dangereuse cette technologie ! Ces êtres traversent la vraie vie, celle qui se déroule dans ce monde dont le grand défi reste celui de réussir à se le partager entre humains, de le rendre plus humain, plus juste, équitable et courageux. Donc prudence, car l’abus de clics pourrait nous faire passer à côté de gens que nos yeux ne parviendraient plus à voir ou à reconnaître, et surtout, passer à côté de nous-mêmes. Sacrée perte de sens !

J’ai mené mon combat à une autre époque : dépôt de plainte en 1996 en faisant le 117… le téléphone avait un fil, c’était sûrement le dernier. Chaque action que j’ai menée pour me rapprocher de la sortie de cette guerre avait un nom, un sens. Je connaissais à chaque instant la raison de toutes mes démarches, même si elles échouaient parfois ou n’apportaient pas le résultat escompté.

Nous voilà entrés dans une nouvelle ère. Je suis sûre que ces hashtags peuvent aider de façon passagère ou durable plein de personnes et c’est tant mieux. Je ne sais pas comment c’est vérifiable, par contre je sais parfaitement que même l’étape de la « dénonciation officielle » – ce que ne représente même pas un hashtag dans les réseaux sociaux – n’est de loin pas la case finale à atteindre.

Ce qui est également sûr, c’est qu’à un moment donné, le seul message qui comptera, restera, servira, le seul qui ne vous voudra que du bien est « se relever, c’est possible ». Une fois arrivé, ce message, on ne le laisse plus partir. C’est donc lui qui fait grandir et transforme l’humain et, par conséquent, ce monde. Alors pour l’adapter en « langage virtuel », mon hashtag à moi est :

#MeTooIGetUpIStandUp

#MeTooIStandUp.

BRÈVE INTRODUCTION DE MON PROPRE CHEMIN (court extrait d’un travail d’écriture en cours de finalisation pour un livre essai)

En tant que femme de bientôt 46 ans, mon combat a été mené à une autre époque, avec d’autres moyens. D’une certaine façon, il reste toujours une partie de moi, mon combat. Mon corps, mon esprit restent la maison, le territoire de ma guerre. Mais mon corps et mon esprit sont aussi des parties de moi dont j’ai un accès exclusif pour y instaurer la paix. Je n’ai jamais fréquenté de grands mouvements de foule et encore moins lorsqu’ils devenaient virtuels. Je ne voulais pas retrouver une foule, je voulais retrouver moi-même. Ce désir ne pouvait pas être plus clair à mes yeux. Il était en lettres majuscules, tout le temps, à l’aube comme au crépuscule, à l’aller, comme au retour.

Certainement que j’ai vécu l’époque qui me convenait le mieux pour mener ma propre guerre. Ma quête de compréhension est devenue toujours plus intime, solitaire mais n’a jamais perdu sa volonté, sa détermination. Certes, chemin faisant, on s’éloigne de certains milieux, ou de certaines personnes, parce que les affinités s’évanouissent ou les réalités n’ont plus rien à se dire. Mais quelle existence n’aurait pas son lot de souffrance ou de séparations à vivre ? J’avais un but et en moi, je ne faisais aucun compromis. Il s’appelait : être en paix, retrouver ma joie et mon humour, me sentir entière. Car la réalité, c’est que l’abus déclare la guerre, répand la haine et la colère et vous déchire en morceaux. Voilà à quoi ressemble l’allure d’un monde d’une personne abusée. Je me retrouvais donc dans un monde à renverser. Quand les abus débutent tôt dans la Vie, c’est difficile de savoir quoi d’autre existe. Je peux affirmer aujourd’hui que dans le fond, je savais que l’autre face existait déjà. Pour atteindre mon but, j’étais prête à tout, même payer cher, car intérieurement, ça s’apparente à des conditions de survie. Les personnes ayant été abusées connaissent ce sentiment de survie, tellement bien. Tant que nous nous endormons ou réveillons dans la haine, nous ne sommes pas dans l’entièreté de notre être.

Loup Chocolat est une inspiration à laquelle je dois tout, elle ma vie, elle est toute ma Vie, elle est une paix volontaire et possible. Loup Chocolat est un encouragement, à l’échelle individuelle ou collective, pour atteindre et faire vivre une dimension plus humaine de cette société. Une élévation, peu importe le point de départ. Même dans une tragédie, après la phase de révélation, la phase émotive, la phase judiciaire et toutes les autres, il faudra laisser accessible le chemin de l’évolution pour chaque être humain concerné, évidemment ne présentant aucun danger pour cette société. Si on ne le fait, on passe à côté de précieux éléments, ceux capables de nous conduire vers une compréhension, une case nécessaire et incontournable pour avancer et construire un monde plus juste et plus équilibré. L’évolution est une étape fondamentale en permanence pour lutter contre les abus, les déviances, les dérapages et augmenter ainsi constamment l’efficacité de tout ce qui fait en guise de prévention. Mettre l’évolution au service de la prévention.

La finalité sera toujours celle d’empêcher les nouveaux cas et de réussir à se partager ce même monde entre humains, tous imparfaits.

Loup Chocolat est un message universel, qui encourage un monde debout, ça s’adresse à « la foule » et ça passe désormais sans fil !! Voilà mon beau défi ! Comme quoi le temps a aussi passé, fil ou pas, il s’enfile partout : « « attrape-le si tu peux ».

Une ironie sympathique mon beau défi ! Vie solitaire, vie sociale… Une expérience au service de l’avancement de l’autre.

Comment agir ?

Les nouveaux cas seront empêchés par un monde debout, plus juste, plus courageux, plus humain, au quotidien et en priorité.

Je partage volontiers un point bien précis d’un échange que j’ai eu avec une journaliste de la RTS, il y a quasi une année. C’était après la Cérémonie des Césars et avant la date officielle de la première vague COVID-19…. Pendant une heure je lui raconte, avec entrain et enthousiasme, certains épisodes de ma vie qui ont concerné mon combat. Il s’agit de va et vient dans toutes ces dernières vingt-cinq années écoulées. En écoutant, elle répète qu’elle est impressionnée à plusieurs reprises. Je suis consciente que le sujet de l’abus donne envie de « justifier et renforcer » cette colère et haine collectives dans la société, mais moi, aujourd’hui, je dis : j’accepte mon histoire. Je l’ai comprise. Sur ce, elle répond : « vous ne pouvez pas dire ça ». Avant de clore la discussion, arrive le sujet le sujet Polanski et on évoque très brièvement Bertrand Cantat. Elle avait sa position sur le chanteur pensant qu’il ne devait peut-être plus se produire. Je n’avais pas le même avis, je l’avais déjà exprimé dans certains billets de mon blog. Je ne vois pas en quoi empêcher un concert rend ce monde meilleur. A mon sens, croire et faire croire que par l’action de manifester devant une salle de concert ou de cinéma fait de cette société une meilleure société est une grande hypocrisie. En effet, elle m’adresse cette phrase : « Polanski, lui, à la limite, qu’il fasse des films ». Nous sommes d’accord, tout le monde ne choisira pas d’aller écouter Bertrand Cantat et il n’y a rien de plus simple, dans ce monde, que de ne pas aller à un concert. Mais selon mes valeurs, l’Art et la Culture ainsi que la Nature sont deux axes indiscutables qui aident sincèrement les gens à se (re)diriger vers leur entièreté et c’est précisément ce qui peut aider à garder un monde plus sain. En aucun cas, il ne s’agit de soutenir le viol, la violence et les abus. Le dysfonctionnement de notre société se situe ailleurs que dans une salle de concert ou de cinéma où chacun choisit finalement d’y aller ou pas. Plutôt que de s’acharner sur des humains qui ne sont pas des fugitifs, il faudrait chercher partout où c’est possible des regards courageux qui transforment, embellissent et humanisent cette société.

En résumé, cette dame journaliste m’appelle parce qu’elle a su que j’avais eu un chapitre abus dans ma vie, je lui parle ouvertement et sincèrement pendant une heure, ensuite elle place son curseur dans ma vie, en disant que je ne peux pas accepter ce qui m’est arrivé, par contre Polanski peut faire des films (là il y a un sujet tout prêt, tout bon à lui proposer…je m’engage à l’écrire). Évidemment, je n’ai pas à prendre son curseur, je le lui rends d’ailleurs. Tout de même, ce propos je le ressens comme une insulte, car il me définirait comme quelqu’un qui ne pourrait et ne voudrait pas se relever. « L’acceptation » est un passage obligatoire pour pouvoir avancer. Cette insulte c’est aussi dire à ma fille qu’elle a une maman qui ne devrait pas accepter son histoire… Bref, je tenais à exprimer ce point de cet échange car je trouve qu’il est tellement représentatif et révélateur du mal-être, de l’incohérence et de l’hypocrisie de cette société.

Du coup, j’aurais quelques questions : Est-ce que la RTS propose une rente pour toutes ces personnes qui ne devraient « pas accepter » leur histoire, même lorsqu’il s’agit d’un abus ? Ou est-ce que les médias fournissent un certificat qui permettrait d’obtenir une rente auprès des institutions ? Est-ce que le bénéfice financier généré par des sujets qui se servent dans le malheur, dans la peine des autres est en partie redistribué pour faire vivre ces personnes ?

Si j’ai vécu un chapitre abus dans ma vie ce n’est surement pas « que » pour

  • Permettre à une journaliste de gagner sa vie,
  • Permettre à un politique ou à une célébrité de s’emparer de la problématique et de l’utiliser pour mener sa carrière,
  • Que je sois sur une liste de personnes gérée par une association afin que celle-ci obtiennent des subsides et renouvellement de subsides… (bien sûr, les associations peuvent être utiles…mais ce n’est jamais la force permanente de la vie de quelqu’un).

Mais dans tous ces cas, chacun gagne très bien sa vie. Mais que devient la mienne ? Comment la gagner ou la (re)gagner ?

Je pense que le sens est plus profond et qu’il faut aller là où on n’a pas l’habitude d’aller.

Ma façon de (re)gagner ma vie a été d’accepter mon histoire car c’est ainsi que j’accepte aussi ma force et ma liberté d’être au-dessus de ça. À partir de ce point, j’apporte une réelle contribution à la lutte contre les abus. C’est debout que ma force sera efficace, et pour mener ce combat, il en faut, de la force.

J’aime préciser que dans ma salle de bain, j’ai un produit pour prévenir le jaunissement de mes cheveux, j’ai une crème antirides (je vous assure tout le reste va bien…), mon vécu est devenu mon allié. Il m’accompagne en douceur et avec détermination. Je peux depuis n’importe quel lieu dialoguer ouvertement et sincèrement avec chacun des passages de ma vie. Ces moments-là nourrissent et font grandir ma paix.

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Mon message à toutes les personnes qui s’engagent dans cette traversée ou qui traversent en ce moment

« Je ne vous collerai pas l’étiquette de victime, même si vous avez le sentiment d’en avoir besoin, mais celle « d’humains pleins de ressources ». Chaque épreuve nous renvoie à nos ressources. Nos ressources sont proportionnelles à la taille de l’épreuve. Vous, debout, c’est la pire chose qui puisse arriver à l’abus, aux conditions qui lui permettent d’exister. Vous, debout, vous ôtez les moyens à l’abus de durer. Vous pouvez être les créateurs, les créatrices de son inconfort. C’est elle l’histoire à écrire et à laisser en héritage à nos enfants. Nous pouvons faire mieux que de créer des ashtags sous leurs yeux, nous pouvons vivre notre grandeur afin de régler, autant que possible, ce monde sur un meilleur équilibre. Attention aux éléments extérieurs créés par des vagues d’artifice, ils ne sont qu’éphémères et peuvent repartir aussi vite qu’ils sont arrivés. Ils n’ont pas pour but de mettre en avant votre vie. Seuls vous pouvez le faire en vous fiant à 100% à ce que vous ressentez. Il n’y a pas d’autre vérité que celle-ci. Sachez toujours pourquoi vous faites une démarche ou un pas dans une quelconque direction. Connaître cette raison, c’est avancer avec clarté. Soyez-en sûrs, loin de moi l’idée de minimiser ou d’insinuer qu’il n’y a rien de grave dans ce que vous avez vécu. Bien sûr, c’est grave. Bien sûr c’est une grande et insupportable injustice. Il se trouve que les ressources que vous détenez sont précisément ce dont ce monde a besoin pour avoir meilleure allure et pour mener le vrai combat. Contractez cette force, ce trésor qui est toujours intact, il est là, c’est certain. Vous relevez c’est accepter de retrouver votre essence. Et c’est ainsi que l’abus perdra du terrain jusqu’à disparaître. Je connais le désir de vengeance, l’envie que l’autre souffre. Mais j’ai aussi compris que cette vie devient toujours plus brève devant, plus longue derrière. Elle ne fait que respecter sa propre loi, nous ne pouvons pas lui en vouloir, nous ne pouvons que l’aimer. La case finale est votre plénitude et votre paix. Et ce n’est pas un hashtag qui vous y conduira, mais vos vrais pas dans la vie. Soignez le lien avec votre enfant intérieur, cette partie de vous est incapable de vous déserter, c’est tout simplement contre sa nature, contre sa raison d’être. Il n’y a pas un chemin mais mille pour y parvenir. Je pense, en revanche, que lorsqu’un raccourci se présente, nous nous devons de le prendre. Parce que c’est clair, c’est un clin d’œil de cet univers. Il nous appelle à nous relever.
Ne prenez rien de message si ce n’est pas le moment. Je comprends. Ne gaspiller pas d’énergie à m’en vouloir ou à ne pas être d’accord avec moi ou à ne pas m’aimer. Ma position est légitime, je partage tout simplement ce que la vie m’a inspiré généreusement.  

Je vous souhaite une pluie de clins d’œil sur votre chemin et de profiter du beau temps après la pluie. »

Portez-vous bien, soyez fiers de vous, vous portez déjà le monde 🙂

©Maria Grazia Paparone, (alias Grace) texte en partie extrait d’un travail d’écriture en cours.

Qu’y a-t-il après une tragédie si pas un chemin vers l’évolution ?

Les administrateurs du groupe Comité de soutien à Bertrand Cantat ont travaillé pour professionnaliser un documentaire qui réunit simplement la parole de tous les magistrats qui ont, d’une manière ou d’une autre, pris l’affaire en main. L’enjeu pour la société est important après de telles épreuves : il s’agit de la lutte contre la violence, les abus, dans toutes leurs formes. Transformer, modifier les dires qui ont été actés par des juges au vu d’en faire une tragédie lucrative ne sert en rien du tout la réelle lutte contre la violence. Au contraire, cela parvient uniquement à diviser et à semer haine et colère à l’infini, une atmosphère propice à tous dérapages d’êtres humains. Une régression. Le but n’est pas de tolérer ce qui s’est passé mais de réfléchir de façon honnête et courageuse afin de réduire, voire d’empêcher tout nouveau cas.

Qu’y a-t-il après une tragédie si pas un chemin vers l’évolution ?

Je ne comprendrai jamais comment lyncher une personne peut procurer un sentiment de bonne conscience, un sentiment de lutter contre la violence.

C’est triste et c’est un gaspillage de devoir investir de l’énergie pour prouver une manipulation, une déformation des faits. Une histoire déjà tragique qui se transforme en tragédie lucrative, dont certains profitent. Mais où est la lutte contre la violence ? Tout devrait, au contraire, commencer par un renoncement à un petit bout de profit, ça se passerait naturellement beaucoup mieux…

ON NE VIOLE PAS LES FEMMES, ON N’ABUSE PAS DES ENFANTS, ON NE PORTE PAS DE COUPS MORTELS (ou de coups tout court) sur qui que ce soit. C’est certain. Mais ces choses terribles arrivent effectivement sur terre. Cela signifie également que c’est sur terre que l’on peut réussir à les arrêter, du moins, autant que possible. Les ressources pour renverser la situation nous appartiennent déjà.

Un monde sans violence, un monde qui ne soit pas complice de déviances et de dérapages passe par une évolution des sociétés et donc par une évolution de chacun de ses membres. Une remise en question. Un dialogue. Un débat. Des rencontres. Une prise de conscience sur comment nous y contribuons collectivement. Reconnaître comment nous nourrissons ce dysfonctionnement et ne plus lui donner à « manger ». Choisir l’évolution c’est dire non à la régression. C’est montrer à nos enfants que le meilleur existe si on choisit de le faire exister. Un choix de direction à faire…

Bertrand Cantat a vraisemblablement perdu sa valeur aux yeux de milliers, voire de millions de personnes. Et il ne s’agit pas de contester ceci. C’est une donnée qui fait partie de la réalité. Mais l’inverse est tout aussi vrai et vivant. Et heureusement qu’il en est ainsi. Prendre conscience et accepter qu’une personne n’a pas pu blesser à 360° est une clé qui devrait ouvrir la porte de la libération. Une étape cruciale pour chacune des parties impliquées dans un drame.
Plein de gens continuent à aimer cet homme, cet artiste, cet ami. Ils sont des milliers, voire également des millions qui continuent à apprécier en lui ces multiples facettes qui composent son talent. Un talent qui a réussi à rassembler autour d’un message, d’une sensibilité et d’une musique une foule de personnes. Ce public-là choisit de ne pas oublier ce que Bertrand Cantat réussit à procurer comme bons sentiments par le biais de son art. Ce public-là répond présent pour continuer à soutenir cette face non condamnée et non condamnable. Les motivations qui poussent les gens qui forment ce public à rester sont aussi nombreuses que diverses et elles appartiennent à chaque être humain. C’est le pouvoir des vies qui se rencontrent à des moments précis, jamais par hasard. C’est la diversité des angles de vue.

Pour ma part, en 2003, l’annonce de ce drame avait tout d’un fait divers. Je ne suivais pas particulièrement le groupe Noir Désir. Je connaissais les morceaux à grand succès, je les écoutais avec plaisir à la radio. En revanche, le fait de recroiser cette histoire humaine et de constater comment certains mouvements ou médias œuvrent pour empêcher un homme de se réinsérer – il n’est ni un fugitif, ni un impuni – fait sonner l’alarme chez moi en réveillant des valeurs profondes que je défends peut-être même passionnément. Ça fait appel à une vision de société que je défends. J’ai moi-même mené mon combat, beaucoup d’années se sont écoulées et j’ai vu mon regard changer chemin faisant. Une chose est sûre, c’est que pour sortir de la colère, de la haine, du dégoût, de la honte… il ne faut pas rajouter une couche, ou plusieurs, de ces mêmes ingrédients, il faut faire quelques traversées et aller chercher autre chose, plus loin, plus profond. Il n’y a pas mille choses qui vont fonctionner, il n’y en a qu’une : accepter les faits et quitter la guerre par amour. Peu importe ce que les autres pensent.

Je ne crois pas à cette idée ou question que l’on entend tout le temps : faut-il séparer l’homme de l’artiste ? A mon sens, non. La vie est une addition de pas, et pas une soustraction. Et c’est en incluant chacun de nos pas dans notre bagage que l’on se doit de continuer la route en devenant ce que nous pouvons être de mieux, au fur et à mesure. Notre propre évolution est un droit autant qu’un devoir. Cette dimension nous la possédons et c’est sur elle qu’il faut miser. C’est elle qui peut nous éclairer et nous conduire vers plus de compréhension. La case de la compréhension est libératrice et, par conséquent, incontournable pour pouvoir avancer.

Il y a dans ce documentaire une déclaration de Bertrand Cantat dans laquelle réside tout, selon moi. C’est quand il dit : « Je n’accepte pas moi-même d’avoir levé cette main. Jamais, jamais, elle n’aurait dû se lever. » La force de cette déclaration est que si elle devait ne pas être sincère, elle se retournerait forcément contre lui et éventuellement ses proches. La vraie et infinie facture à payer est probablement celle de vivre libre avec ce geste à porter avec et en soi. A Bertrand Cantat de trouver, cet être humain en lui qui inclut tout ce qu’il a été, tout ce qu’il est et tout ce qu’il peut devenir. Au nom de quoi la société peut-elle empêcher un être humain de poursuivre ce chemin ? Nous sommes des citoyens imparfaits, des victimes et des bourreaux à la fois, au quotidien. C’est ce qui crée l’opportunité de grandir après chaque épreuve.

Qu’est-ce que la société attend d’un citoyen ? Et qu’est-ce que la société attend d’un citoyen qui aurait effectivement commis une énorme bêtise pour laquelle il a purgé la peine infligée ? N’attend-elle pas de cette personne qu’elle s’implique et s’engage à rester du « bon côté » ? Oui, c’est ce que la société attend et c’est ce que la société donne comme « devoir » à ses citoyens libres. Et c’est évident qu’atteindre ce but passe par la vie sociale et professionnelle.

Barrer cette route relèverait d’une hypocrisie monumentale de la société, elle-même. De quoi sommes-nous effrayés dans le cas présent ? Qu’un artiste passe deux heures de temps avec son public ? Qu’ils vivent ensemble un bon moment ? Qu’ils se remplissent de bons souvenirs, des souvenirs qui peuvent à tout moment déclencher de belles actions ou donner lieu à des inspirations ? Sérieusement ça nous fait peur ? Ce rendez-vous ne concerne que l’artiste et son public.

JE PENSE SINCÈREMENT QUE, SANS L’ART, CE MONDE N’EST PLUS RIEN DU TOUT.

Je sais et je respecte que certaines personnes décident de ne plus croiser la route de Bertrand Cantat. Mais ne nous trompons pas. N’allons pas vers la régression en refusant d’accepter la diversité des angles de vue qui composent notre humanité. Acceptons cette diversité, cette richesse, respectons la liberté de chacun et investissons plutôt l’énergie pour se rapprocher de ce même but visé : réduire et éliminer les violences.

Ne pas réussir à accepter la diversité des angles de vue qui découlent de nos vécus et histoires respectifs fera de nous les créateurs de la GRANDE TRAGÉDIE DE CE MONDE. Y a mieux que ça, non ?

Il reprend son travail là où il l’a laissé, c’est son droit le plus fondamental…

Au nom de quoi pouvons-nous empêcher un être humain de faire sa part de bien pour ce monde ? Quel être humain sur terre peut dire que la valeur d’un autre ne compte plus ? Certaines peuvent ne plus adhérer à la valeur d’une personne, et je comprends ça. Mais cette même valeur, vue sous un autre angle, continue d’être utile pour le monde.  

La face « pire » de Bertrand Cantat est consumée, réalisée, plus rien ne passerait ou ne serait admis. C’est clair. En revanche, il a bel et bien cette face qui sait faire beaucoup de bien à des millions de personnes et ce n’est pas à prouver. C’était déjà là, avant. Il reprend son travail là où il l’a laissé, c’est son droit le plus fondamental. C’est le seul moyen de cultiver, sans limite, l’inverse de ce dérapage dans son cœur, dans sa vie, sachant qu’il ne pourra jamais l’égaler dans les mêmes proportions. Nous sommes d’accord. Mais il peut aller le plus loin possible dans cette direction, pour son bien et celui de son entourage. Seule l’hypocrisie d’une société pourrait barrer cette route. Une société qui prétend œuvrer pour le bien alors qu’elle empêche le meilleur de ses membres et qui nourrit, par la même occasion, « haine, mépris et frustration », les sentiments déclencheurs de déviances.

Laisser Bertrand Cantat poursuivre sa route vers ce qu’il est de mieux lui permet de gérer sa souffrance tout en faisant autant de bien que possible, à partir de « ici et maintenant ». Que demander d’autre à un être humain libre dans cette société ? Quel autre défi lui lancer ? C’est la valeur qu’il peut apporter à ce monde, cette valeur est précieuse. Cette face n’est pas condamnable et ne peut pas être condamnée. Au nom de quoi pouvons-nous empêcher un citoyen de faire sa part de bien pour ce monde ? Son métier d’artiste le met en lumière, certes, et je peux bien concevoir que cela crée un certain malaise. Libre à chacun de participer ou pas à son succès. Cette lumière est la réponse à son immense talent. Cette lumière, il la partage avec un public présent, heureux qui pourrait difficilement s’attendre à recevoir plus de la part de l’artiste qu’il aime. Au même temps, cette lumière agit un peu comme une « caméra de surveillance ». Tout le monde sait qui est Bertrand Cantat, tout le monde est au courant de sa « terrible et irréparable erreur ». Ceci rend définitivement chacun de nous libre et responsable de se situer face à son travail d’artiste. Chaque point de vue est légitime, et c’est juste ainsi. Toutefois, fermer la porte à l’expression de Bertrand Cantat ne va en aucun cas embellir ou donner meilleure allure à ce monde. Le grand danger, pour la société et les futures générations, c’est de faire croire qu’en agissant ainsi nous luttons réellement contre les violences et les abus en général. Sommes-nous sur cette voie ? J’en doute. La société devrait se poser des questions plus courageuses et honnêtes pour comprendre en quoi elle contribue à son propre dysfonctionnement – de façon volontaire ou involontaire – et idéalement, retirer sa contribution… Tant que cette prise de conscience n’a pas lieu complètement, nous continuons « d’applaudir » les parties prenantes qui rendent possible ce dysfonctionnement.

Tout autre citoyen qui aurait commis le même dérapage que Bertrand Cantat passerait de façon incognito dans la société. Nous pourrions également aimer, encourager, une de ces personnes, un jour ou l’autre, sans, par contre, tout connaître de sa vie. Bertrand Cantat n’est pas un fugitif et n’a jamais contesté ce qui lui a été demandé de payer. Sa vie est exposée. Qui peut à partir de là imposer une toute autre loi ou une extension de loi qui le condamnerait à rester dans un coin ? Son cas a été géré par la justice, contrairement à d’autres qui ne le seront jamais, il est libre de se reconstruire, de repartir dans sa vie, avec uniquement de bonnes intentions. S’il y a au sein de certains mouvements populaires la volonté sincère de rendre ce monde plus juste et plus équitable, en défendant de bonnes causes, alors « go » pour cette mission. S’acharner sur une seule personne – qui a purgé sa peine et qui ne plus faire de faux pas – c’est un luxe qu’on ne peut en réalité pas s’offrir. Le temps presse. Il y a un choix à faire.

Ne pas retirer les moyens à une personne afin que celle-ci puisse gérer sa souffrance et accorder une place à tout le bien qu’elle peut apporter est de toute évidence le seul chemin qui puisse rendre meilleure cette humanité. Une société qui ne parvient pas à trouver en elle cette dimension lui permettant de faire valoir ces qualités humaines est une société qui tue…lentement mais sûrement.  

Documentaire

Pétition

https://www.mesopinions.com/petition/art-culture/lettre-ouverte-franck-riester-ministre-culture/75032?fbclid=IwAR39dvSW0OlySZrqgFz-yCsmOdfC2_lthsxsaS5LoiFBY1tSTpp1m9flXM0

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